Une nouvelle excitation faisait place dans la grande demeure des Addams. Et pourtant, rien. Non rien n'aurait pu préparer quiconque à la décision du chef de famille. Rester à Londres et continuer à faire ses petites affaires en Angleterre? Bien entendu qu'il l'avait souhaité. Mais sous la menace de sa femme, son fils aîné et sa fille, il n'avait apparemment pas son mot à dire. Paris. Mais pourquoi aller à Paris ? Paris ne connaît rien du thé du Vietnam, Paris ne connait rien du labeur qu'il doit effectuer. Paris ne connait rien de ces activités rentières qui permettent de faire prospérer une famille. Paris débauche. Paris commerce. Paris s'est se faire aimer des anglais en quête de divertissement. Mais elle sait aussi se faire haïr des pères bien trop avares pour dépenser le moindre sous pour le voyage et cette nouvelle vie. C'est pourquoi, dans le silence le plus absolue. La morosité la plus sombre. Hyman Kemmis Addams ne dit plus un seul mot. Le comte reste muet comme une tombe face, à l'excitation de la famille concernant ce beau déménagement. Aller à Paris est pour lui la pire perspective qu'il puisse lui arriver. Mais il a cédé. Après tout, il pourra toujours faire un voyage pour s'éclipser. Loin de l'agitation de sa famille.

Il laissa sa femme l'étreindre. Sans tendresse. Sans passion. C'était d'un geste surfait. Joué. Une habitude que toute femme bien élevée sait faire, lorsqu'elle veut remercier son mari. Bien qu'elle ne le remercie réellement, puisqu'elle l'a poussé au bout par son caprice. Les femmes ... puissante malgré leur fragilité. Il ne le sait que trop, depuis qu'il est marié.

- Papa vous êtes formidable !, lança Susan, la fille aînée des Addams. Elle avait toujours été, elle aussi, fausse. Tout comme sa mère. Mais elle en était devenu encore plus redoutable. Et savait lui tenir tête. Il aurait du la recadrer avant qu'elle ne grandisse trop. Il aurait dû. Comme il l'avait fait avec son dernier fils.

- Allez, vous aller bien vous amuser vous aussi, déclara riant Joshua, le fils aîné. Joshua était son héritier. Du moins, c'est ce qui normalement devait être prévu, dans une famille anglaise. Et pourtant, Hyman l'avait complètement effacé de son testament. Il était hors de question que cet homme efféminé et vaniteux qu'était son fils ne prenne les rennes. Et ses titres. Sa fortune se faisait déjà assez dilapider par ses dépenses excessifs. Mais le père de famille savait faire durer le plaisir, et attendre le bon moment pour lui annoncer ceci.

- Nous aurons de nouveaux domestiques, en France, ils pourront nous apprendre les codes de conduite de Paris !, s'enthousiasma Bertie, sa femme.

Emily restait la seule silencieuse dans la pièce. Elle venait de faire tomber une tasse sur le sol, sans que personne ne s'y attarde. Hyman lui jeta un coup d'oeil froid mais intrigué. Elle semblait se déconfire à l'idée d'être remplacée. De ne plus avoir de travail. D'être renvoyé après tant de loyaux services. En croisant le regard de son maître, elle sembla essayer de se reprendre et ramasser la tasse en se baissant. Hyman savait que sa femme avait délibérément appuyé sur ce point pour mettre Emily dans l'embarra. Elles s'étaient toujours détestée. A cause de Hyman et de ses décisions. Parce qu'il avait décidé que ce serait Emily qui prendrait l'éducation des enfants à partir de la naissance de Melinda.

Hyman avait toujours détesté les enfants. Et encore plus, quand il se rendit compte que les deux premiers tenaient plus de leur mère que de lui. Alors quand il vit que sa deuxième fille pouvait un temps soit peu tenir de lui, alors il ferait tout pour. Seulement, Melinda n'avait tenu ni de lui, ni de sa femme. Elle était tout simplement le parfait équilibre entre les deux. Paix à son âme. Peut-être n'aurait-il dû la forcer à se marier avec ce Soulbridge trop vaniteux ? Peu lui importait à présent. Il avait, pour éviter de trop souffrir, rayé sa fille défunte de sa mémoire.

Seul lui restait à présent ses deux derniers fils, qui pour le coup, tenaient plus de lui. Quoi que Gabe, lui ressemblant plus physiquement, tenait un peu de Melinda au fond. Mais Gabe était loin d'encore habiter au domicile familiale. Il s'était fait une raison en voyant que celui était plus attiré par la paix et le silence de la religion. Qui aurait pu supporter le vacarme de la maisonnée quand la crise des deux plus âgés faisait rage.

Pour le coup, Phineas était surement l'enfant qui lui ressemblait le plus. Droit. Studieux. Et surtout colérique. C'était aussi l'enfant qui lui avait posé le plus de problèmes. D'un point de vu éducation. Phineas a toujours eu le chic de ne jamais écouter ou obéir. Un gamin effronté qui n'écoute que sa propre conscience, et qui ne compte que sur lui pour se faire une opinion, au lieu d'écouter les autres. Puis, vint les problèmes. Ce Lauviah Lewingston qui l'entraîna dans des bagarres, des bars. Il avait même cru entendre que son fils fréquentait des prostitués. Ce jours là, autant dire qu'il renia encore une fois un de ses fils. Maintenant qu'il était en guerre, Hyman le raya bien vite aussi de sa mémoire. Pour lui, il était mort.

Autant dire que la petite famille n'était pas vraiment ce qu'il avait espéré, bien qu'il n'avait rien espéré en vérité. Il avait déjà pensé à s'enfuir définitivement au Vietnam pour les affaires, afin de ne plus jamais être obligé d'écouter les histoires de ses enfants... et surtout d'entendre sa femme lui reprocher des tas de choses. A l'époque, il avait même pensé séduire Emily et s'enfuir avec elle... mais leurs âges à présent les empêchait de faire ce genre de folies. Et puis, ça n'avait été que des rêves et des souhaits profonds... jamais il n'aurait déshonoré sa famille et son rang. Ainsi que son éducation. Au contraire de ses enfants, qui eux, semblaient totalement laisser libre cours à leurs envies.

Susan et Joshua emmenèrent loin leur mère du petit salon, imaginant déjà les robes qu'ils porteraient, et les lieux qu'ils fréquenteraient, pendant que Hyman s'enfonça encore plus dans son fauteuil. Emily lui présenta une tasse de thé.

- Tu souhaites venir avec nous, Emily ?, demanda sans détour le maître de maison à sa bonne.

- Pas l'moins du monde, monsieur.

- Il faut que tu restes ici pour prendre soin du manoir. Gabe va revenir habiter ici. Il m'a dit qu'il y avait eu ... des complications. Il n'a pas voulu me dire quoi. Mais s'il s'est fait répudier de son cercle ... il va se faire recevoir !

Emily en entendant cette information, ne put s'empêcher de venir esquisser une expression inquiète, mêlée à de l'angoisse ... comme si elle comprenait plus ce que cela voulait signifier, que Hyman lui-même.


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- Gabe !!

Des mains puissantes retenaient ses bras fébriles. Devant la demeure des Addams, le ton était monté d'un cran. Les hommes qui la retenaient prisonnière regardaient une partie du manoir brûler. Emily, qui laissait déjà des larmes couler sur ses joues, regardait tant bien que mal une partie d'elle partir en fumée. Son coeur sonnait fort dans sa poitrine. Le manoir était tout ce qu'il lui restait depuis le départ des Addams pour Paris. Gabe aussi, était tout ce qu'il lui restait d'eux. C'était le fils qu'elle n'avait jamais eu. Elle faisait partie de lui. Comme il faisait parti d'elle. Elle l'avait élevé dans un amour maternel impossible à détruire... impossible à détruire. Elle se mit à crier et se débattre.

- Calme-toi ma petite dame, si on ne l'avait pas traqué il t'aurait sans doute fait la peau. Il est maudit.

- Vot'faute ! Vous z'avez pas pris soin d'lui !

Une main la secoua fortement, avant que de gros yeux sombres se posaient sur elle.

- Tu vas te calmer la vieille !! Il est marqué par le démon, y a rien d'autre à faire que de le tuer !

Au sortir des flammes, un jeune homme s'avançait sur le jardin. Les hommes, dotés d'une forte détermination, empoignèrent leurs armes en s'approchant de la masse qui s'écroula sur le sol.

- Gabe !, cria une nouvelle fois Emily, d'une voix déraillée de vieille dame.

- J't'avais dis de la fermer !

Un coup porté à sa tête fit voler Emily jusque sur le sol. La douleur était la pire de toute... elle se sentait tellement faible. Incapable d'agir. Incapable ... d'aider.

Gabe avait vu, même de loin, le coup portée à la vieille dame. Il cria de colère, avant d'essayer de se redresser et de se diriger vers elle. C'était sans compter les lames de ses ennemis qui vinrent le frapper de plein fouet. Mais malgré la douleur, malgré les barrages, il essaya toujours de se redresser, n'ayant qu'une obsession en tête. Quand enfin une lame se planta dans son corps. Il s'arrêta net, baissant la tête. La douleur était peu comparé à celle de son coeur. Et pourtant, il se mit à sourire. Et murmura des paroles incompréhensible.

- Wooow les gars ils va nous faire une incantation démoniaque là !, s'écria celui qui avait planté son épée dans le corps de Gabe.

- C'est pas du verbis diablo ..., fit remarquer le plus âgé des hommes. Inquiet.

- Quoi ?

- C'est la langue des anges ... , continua-t-il de faire remarquer.

- Que ... quoi ?!

Ils se retournèrent en même temps qu'une étrange lumière vive semblait émaner du corps de la vieille Emily. Une lumière si forte qu'ils plissèrent presque tous les yeux. Les bras d'Emily se placèrent en croix, et son corps fut soulever par une force surnaturelle qui la fit léviter un peu au dessus du sol. Ses yeux ouverts semblaient n'être que lumière. Au bout d'un moment ses traits semblaient rajeunir ... et des ailes de lumières lui poussèrent de derrière son dos.

- C'est quoi c'bordel !

- C'est un ange !! C'est un ange nom de Dieu !!

- Tu vas pas me faire croire que cette vieille dame était un ange ...

Et pourtant, la lumière s'estompa et la toute nouvelle femme refoula le sol de ses pieds. Elle semblait à la fois surprise, et heureuse. Elle regarda son nouveau corps, ses nouvelles mains, avant de se tourner vers le groupe d'hommes. L'un d'entre eux s'agenouillait déjà devant elle.

- Oh merde ... c'est vraiment un ange..., déclara l'un des hommes.

- Vous ..., commença-t-elle à déclarer d'une voix mélodieuse et très jeune, vous osez dire servir notre Dieu et débarrasser le monde du Diable. Vous, exorcistes. Et vous venez ici, traîner une vieille femme hors du logis, proclamer un feu purificateur, pour un seul humain maudit ? Vous êtes ... horriblement maladroits.

- Minute papillon. Tu crois que j'vais gober ce que tu me dis ? Qu'est-ce qui me prouve que t'es pas un ange déchu qui masque sa vraie apparence?

- Je vous déconseille vivement de remettre en question ma parole, Andrew MacKenzie.

- Tsss, laissa échapper Andrew, le plus vieux exorciste du groupe. Il réajusta ses lunettes, avant de retirer sa lame du corps de Gabe qui retomba à la renverse. La fête est fini. On se casse les gars.

- J'espère qu'on se reverra, Monsieur MacKenzie.

Emily jeune afficha un sourire bienveillant sur son visage, avant de s'approcher de Gabe. Il se tenait le ventre, dans l'espoir de limiter sa perte de sang. Elle s'abaissa à sa hauteur, avant de lui écarter les mains, pour regarder sa plaie. Elle était mortelle. Mais l'un comme l'autre savait qu'il n'allait pourtant pas mourir.

- Laisse le démon te guérir, souffla Emily.

- Hors de question que je le laisse faire... toi, fais le.

- C'est donc pour cela uniquement que tu as prononcé les mots qui libère mon sceau ?, demanda-t-elle ironiquement dans un sourire.

Gabe essaya de se redresser, en vain.

- Ca et ... le fait que tu m'as manqué.

- J'aurais du m'en douter ..., siffla Emily, faussement fâchée.

Elle passa sa main sur la plaie de Gabe, et utilisa son pouvoir de guérison pour le sauver. Il put enfin se redresser, avant de plonger son regard dans le sien. Ils se regardèrent, hésitant pendant un long moment, avant de s'étreindre tendrement.

- Tu vas devoir refermé le sceau. Tu sais que je peux pas rester comme ça ..., expliqua Emily, résignée, en se détachant de lui.

- Ouais ... t'as raison je préfère embrasser une vieille dame.

- Heyyyy!

Emily donna un petit coup sur l'épaule de Gabe pour ce qu'il avait dit. Puis, ils s'embrassèrent amoureusement. Ils savaient tout deux que ce répit ne serait que de courte durée. Ils savaient tout deux ... qu'elle oublierait à nouveau tout à propos de sa nature angélique. C'était le prix qu'elle avait à payer pour la vie quelle avait menée. Le prix qu'elle avait décidé de payer.

Après avoir ensemble arrêté le feu du manoir, et une fois le petit matin arrivé, Gabe prononça les mots pour sceller à nouveau Emily, qui reprit ses vieux traits et qui oublia tout ce qu'elle avait vécue cette nuit. A son réveil, Gabe, assis à ses côtés, lui tenant la main, endormi.

Il l'avait sauvé des méchants. Il avait sauvé la partie restante du manoir. Il repoussa même les pilleurs des jours suivants. Elle l'avait élevé comme son propre fils ... et pourtant, un amour indescriptible montait en elle dès qu'elle était avec lui. Un amour qu'elle ne pouvait comprendre. Elle l'avait elle-même conseillée auprès de l'Eglise à son jeune âge pour l'éloigner de sa famille, pour le protéger. Mais cette fois, c'était lui qui était la pour elle. Elle n'était plus seule. Elle ne le serait plus... enfin quelqu'un qui vivait pour elle... et qui l'aiderait sans doute à passer le reste de sa vie jusqu'a sa mort en douceur. Mais cela ne dura pas longtemps. Plusieurs semaines passèrent, pendant que Gabe se renfermé d'un coup. Comme si quelqu'un chose n'allait plus. Puis un jour ...

- Emily ... je dois y aller. Il faut que je règle quelque chose.

- Oh ... tu n'pars pas trop loin ?

- Eh bien ... assez et je pense que ça va me prendre quelque mois ...

Le coeur de la vieille Emily se serra dans sa poitrine. On l'abandonnait une nouvelle fois. Encore une fois. Comme son père. Comme son mari. Comme ses maîtres...


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Seule dans le jardin, Emily étendait son linge comme à son habitude pour le faire sécher. C'est alors qu'en passant par la cour pour rentrer, un cab arriva à toute allure pour rentrer. Son coeur se mit à redoubler de battement. Ses bras se firent si lourd qu'elle en lâcha sa corbeille. Elle ne pouvait s'empêcher de fixer le cab. Ses joues rosirent, pendant qu'une seule pensée traversa son esprit.

- Gabe ...

Ses yeux s'embuèrent, par les larmes d'émotions, qu'elle ne comprit pas, avant de voir une masse sombre sortir, s'avancer vers elle, montant les marches ... mais plus cet homme s'approchait, plus ses traits semblaient différer avec Gabe...

- Bonjour ... Emily, déclara une voix sombre et enrouée.

D'un geste presque machinal, il avança sa main vers la sienne, attendant simplement qu'elle la lui serre. Mais plutôt que de venir le faire, elle ramassa son panier, avant de rentrer à l'intérieur. Ce qu'il pouvait être froid comme son père celui là ... elle aurait préféré une étreinte. Après tout ... tout le monde le pensait mort en guerre.

- Si j'm'y attendais à celle là ! V'la qu'les morts y s'relèvent pour m'dire le bonjour et m'demander l'asile ! Bon, restez pas là, rentrez.

Ce fut la seule personne, qui accueilli Phineas Jim Addams en ce jour, lorsqu'il rentra de guerre pour rejoindre la maison familiale vide et détruite en partie.
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